Mondo s'était assis contre le mur, devant le vieil homme. Il avait attendu longtemps, jusqu'à ce que l'homme ait fini de ratisser son morceau de plage. Quand l'homme était venu s'asseoir près du mur, il avait regardé Mondo.
Ses yeux étaient très clairs, d'un gris pâle qui faisait comme deux trous sur la peau brune de son visage.
Il ressemblait un peu à un Indien. Il regardait Mondo comme s'il avait compris son interrogation. Il dit seulement : « Salut ! »
« Je voudrais que vous m'appreniez à lire et à écrire, s'il vous plaît », dit Mondo.
Le vieil homme restait immobile, mais il n'avait pas l'air étonné. « Tu ne vas pas à l'école ? »
« Non monsieur », dit Mondo.
Le vieil homme s'asseyait sur la plage, le dos contre le mur, le visage tourné vers le soleil.
Il regardait devant lui, et son expression était très calme et douce, malgré son nez busqué et les rides qui coupaient ses joues.
Quand il regardait Mondo, c'était comme s'il voyait à travers lui, parce que ses iris étaient si clairs.
Puis il y avait une lueur d'amusement dans son regard, et il dit : « Je veux bien t'apprendre à lire et à écrire, si c'est ça que tu veux. »
Sa voix était comme ses yeux, très calme et lointaine, comme s'il avait peur de faire trop de bruit en parlant.
« Tu ne sais vraiment rien du tout ? »
« Non monsieur », dit Mondo.
L'homme avait pris dans son sac de plage un vieux canif à manche rouge et il avait commencé à graver les signes des lettres sur des galets bien plats.
En même temps, il parlait à Mondo de tout ce qu'il y a dans les lettres, de tout ce qu'on peut y voir quand on les regarde et quand on les écoute.
Il parlait de A qui est comme une grande mouche avec ses ailes repliées en arrière ;
de B qui est drôle, avec ses deux ventres,
de C et D qui sont comme la lune, en croissant et à moitié pleine,
et O qui est la lune tout entière dans le ciel noir.
Le H est haut, c'est une échelle pour monter aux arbres et sur le toit des maisons ;
E et F, qui ressemblent à un râteau et à une pelle,
et G, un gros homme assis dans un fauteuil ;
I danse sur la pointe de ses pieds, avec sa petite tête qui se détache à chaque bond,
pendant que J se balance; mais K est cassé comme un vieillard,
R marche à grandes enjambées comme un soldat,
et Y est debout, les bras en l'air et crie : au secours !
L est un arbre au bord de la rivière, M est une montagne ; N est pour les noms, et les gens saluent de la main,
P dort sur une patte et Q est assis sur sa queue ; S, c'est toujours un serpent, Z toujours un éclair; T est beau, c'est comme le mât d'un bateau, U est comme un vase. V, W, ce sont des oiseaux, des vols d'oiseaux ; X est une croix pour se souvenir.