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3 février 2017 5 03 /02 /février /2017 13:43

Mondo s'était assis contre le mur, devant le vieil homme. Il avait attendu longtemps, jusqu'à ce que l'homme ait fini de ratisser son morceau de plage. Quand l'homme était venu s'asseoir près du mur, il avait regardé Mondo.
Ses yeux étaient très clairs, d'un gris pâle qui faisait comme deux trous sur la peau brune de son visage.
Il ressemblait un peu à un Indien. Il regardait Mondo comme s'il avait compris son interrogation. Il dit seulement : « Salut ! »
« Je voudrais que vous m'appreniez à lire et à écrire, s'il vous plaît », dit Mondo.
Le vieil homme restait immobile, mais il n'avait pas l'air étonné. « Tu ne vas pas à l'école ? »
« Non monsieur », dit Mondo.
Le vieil homme s'asseyait sur la plage, le dos contre le mur, le visage tourné vers le soleil.
Il regardait devant lui, et son expression était très calme et douce, malgré son nez busqué et les rides qui coupaient ses joues.
Quand il regardait Mondo, c'était comme s'il voyait à travers lui, parce que ses iris étaient si clairs.
Puis il y avait une lueur d'amusement dans son regard, et il dit : « Je veux bien t'apprendre à lire et à écrire, si c'est ça que tu veux. »
Sa voix était comme ses yeux, très calme et lointaine, comme s'il avait peur de faire trop de bruit en parlant.
« Tu ne sais vraiment rien du tout ? »
« Non monsieur », dit Mondo.
L'homme avait pris dans son sac de plage un vieux canif à manche rouge et il avait commencé à graver les signes des lettres sur des galets bien plats.
En même temps, il parlait à Mondo de tout ce qu'il y a dans les lettres, de tout ce qu'on peut y voir quand on les regarde et quand on les écoute.
Il parlait de A qui est comme une grande mouche avec ses ailes repliées en arrière ;
de B qui est drôle, avec ses deux ventres,
de C et D qui sont comme la lune, en croissant et à moitié pleine,
et O qui est la lune tout entière dans le ciel noir.
Le H est haut, c'est une échelle pour monter aux arbres et sur le toit des maisons ;
E et F, qui ressemblent à un râteau et à une pelle,
et G, un gros homme assis dans un fauteuil ;
I danse sur la pointe de ses pieds, avec sa petite tête qui se détache à chaque bond,
pendant que J se balance; mais K est cassé comme un vieillard,
R marche à grandes enjambées comme un soldat,
et Y est debout, les bras en l'air et crie : au secours !
L est un arbre au bord de la rivière, M est une montagne ; N est pour les noms, et les gens saluent de la main,
P dort sur une patte et Q est assis sur sa queue ; S, c'est toujours un serpent, Z toujours un éclair; T est beau, c'est comme le mât d'un bateau, U est comme un vase. V, W, ce sont des oiseaux, des vols d'oiseaux ; X est une croix pour se souvenir.

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3 février 2017 5 03 /02 /février /2017 13:43

Il y avait quelqu'un que Mondo aimait bien rencontrer. C'était un homme jeune, assez grand et fort, avec un visage très rouge et des yeux bleus. Il était habillé d'un uniforme bleu foncé et il portait une grosse besace de cuir remplie de lettres. Mondo le rencontrait souvent, le matin, dans le chemin d'escaliers qui montait à travers la colline. La première fois que Mondo lui avait demandé : « Est-ce que vous avez une lettre pour moi ? » Le gros homme avait ri.
Mais Mondo le croisait chaque jour, et chaque jour il allait vers lui et lui posait la même question : « Et aujourd'hui ? Est-ce que vous avez une lettre pour moi ? »
Alors l'homme ouvrait sa besace et cherchait. « Voyons, voyons... C'est comment ton nom, déjà ? »
« Mondo », disait Mondo.
« Mondo... Mondo... Non, pas de lettre aujourd'hui. »
Quelquefois tout de même, il sortait de sa besace un petit journal imprimé, ou bien une réclame et il les tendait à Mondo. « Tiens, aujourd'hui, il y a ça qui est arrivé pour toi. »
Il lui faisait un clin d'œil et il continuait son chemin.
Un jour, Mondo avait très envie d'écrire des lettres, et il avait décidé de chercher quelqu'un pour lui apprendre à lire et à écrire.
Il avait marché dans les rues de la ville, du côté des jardins publics, mais il faisait très chaud et les retraités de la Poste n'étaient pas là.
Il avait cherché ailleurs, et il était arrivé devant la mer.
Le soleil brûlait très fort, et sur les galets de la plage il y avait une poussière de sel qui miroitait.
Mondo regardait les enfants qui jouaient au bord de l'eau.
Ils étaient vêtus de maillots de couleurs bizarres, des rouge tomate et des vert pomme, et c'était peut-être pour ça qu'ils criaient si fort en jouant.
Mais Mondo n'avait pas envie de s'approcher d'eux.
Près de la bâtisse en bois de la plage privée, Mondo avait vu alors ce vieil homme qui travaillait à égaliser la plage à l'aide d'un long râteau.
C'était un homme vraiment très vieux habillé d'un short bleu délavé et taché.
Il avait le corps couleur de pain brûlé, et sa peau était tout usée et ridée comme celle d'un vieil éléphant.
L'homme tirait lentement le long râteau sur les galets, de bas en haut de la plage, sans s'occuper des enfants et des baigneurs.
Le soleil luisait sur son dos et sur ses jambes, et la sueur coulait sur son visage.
De temps en temps, il s'arrêtait, sortait un mouchoir de la poche de son short et il essuyait son visage et ses mains.

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2 février 2017 4 02 /02 /février /2017 12:55

DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne?
La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux!
Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cours.
Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne.
J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige.
Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous.
Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement.
On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir.
Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire.
Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits.
Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses

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6 janvier 2017 5 06 /01 /janvier /2017 14:55

— Vraiment ces étrangers, c’est pas la peine ! On les accueille, on les naturalise, on les nomme, on les épouse et dès que ça bouge, hop ! Je te rapatrie un milliard de francs dans mon pays d’origine. Intégration régionale, panafricanisme, je t’en foutrais !

— Privatisations ! Privatisations ! Ça devient une chanson pour ne pas dire néocolonialisme économique.
Vous trouvez normal qu’après trente ans d’indépendance nous ne gardions rien à nous ? L’eau ? Privatisée ! L’électricité ? Privatisée ! Le téléphone ? Privatisé ! La poste ? Privatisée !

— Soyons sérieux : tu sais bien que ces sociétés d’État étaient sous constante perfusion financière. Moi, je crois que la privatisation arrangera les choses : meilleurs services, plus grands bénéfices, tout le monde y gagnera : toi, moi, l’État et les investisseurs privés.

— Mais alors, pendant qu’on y est, pourquoi ne pas privatiser la fonction publique ?

Eau-de-vie,
De longue vie,
Tu redonnes la vie
Aux morts !

Charles rit de ce refrain d’ivrogne mais on pourrait croire qu’il est lui-même déjà assez ivre pour rire sans raison. Il s’applique à remplir son verre, vidant sa troisième bouteille.

— Jo, des militaires ont défilé cet après-midi du côté de la présidence. Il fallait être là, voir ça de ses propres yeux pour y croire. Ces voleurs et vandales défilaient à leur tour pour revendiquer je ne sais trop quoi. Un parent près de moi a lancé, ironique : “Tiens, on ne savait pas qu’eux aussi avaient des problèmes !” Et la meilleure, c’est que Mitterrand aurait refusé de laisser les militaires français rétablir l’ordre !

— Comment un pauvre petit pays comme le Bénin arrive à organiser une conférence nationale souveraine alors que nous on ne pourrait pas le faire, sous prétexte de divisions ethniques et faute d’argent ?

— Conférence nationale ? En tout cas, moi, je suis pas fan de ça ! D’ailleurs, on aura des élections en fin d’année, alors à quoi bon ?

— Tu crois que de simples élections permettront de réconcilier un peuple divisé, appauvri par trente ans de népotisme, d’affairisme et de tribalisme ? Moi, je suis d’accord avec l’opposition qui exige la tenue de cette conférence ici, comme au Bénin et au Gabon. Et tant pis pour le pouvoir s’il fait la sourde oreille. C’est parce que l’agouti ne connaît pas le chien qu’il s’amuse avec lui.

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6 janvier 2017 5 06 /01 /janvier /2017 14:54

Qu’est-ce qu’il a fait à ces étudiants pour  demandent son départ ? Il se penche pour reprendre  tract qu’il a laissé tomber.
Départ du recteur… Départ du directeur du  national des œuvres universitaires… Départ du ministre de tutelle.
C’est lui, le ministre de tutelle, ministre de l’Enseignement supérieur, chargé de la recherche scientifique, c’est bien lui, Bernard Cauphy. Mais qu’est-ce qu’il n’a pas fait ?
Est-ce sa faute si le CNOU a dix milliards d’arriérés malgré les subventions de l’État ?
À qui la faute si, malgré les mille neuf cents francs de subvention pour le repas au restaurant universitaire, l’étudiant mange mal ?
Que le directeur du CNOU parte, quoi de plus normal ? Que le recteur s’en aille, à la limite. Mais lui ?
Papa avait raison : c’est parce que l’agouti ne connaît pas le chien qu’il s’amuse avec lui.

— Alphonse, amène-moi ces éléments subversifs ici, dans mon bureau. Ils vont voir de quel bois je me chauffe !

— Bien, patron !

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6 janvier 2017 5 06 /01 /janvier /2017 14:51

— Dehors ! Sortez !
Ces cris ponctués de jets de pierres déclenchent la panique. Les deux portes latérales, celles de l’avant et les 
fenêtres sont prises d’assaut par les jeunes, affolés.
Les étudiants de sciences économiques, moins nombreux, sont les premiers à vider leurs salles d’examen.
Les Chinois (surnom des étudiants en droit) mettent plus de temps à quitter leurs amphithéâtres.
Comme un feu de brousse en saison sèche, la peur vide les amphis d’anglais, d’histoire géographie, de lettres modernes, de psychologie, de sociologie, de philosophie…
Dans une lente précipitation, tous fuient droit devant eux, c’est-à-dire vers le campus Sankara. Qui pour s’y terrer, qui pour le traverser, atteindre le quartier Wari-bana et y prendre un taxi ou un bus qui l’emmènerait loin de cet enfer.
Des étudiants fuyant d’autres étudiants ! Il faut le voir pour y croire.
On ne sait pas pourquoi on fuit, mais on sait seulement qu’il faut fuir.
Les filles, qui ont ôté leurs chaussures à talons pour mieux courir, les abandonnent derrière elles.
D’autres laissent plus que des chaussures : des cartes d’étudiant, des cartes d’identité, des porte-documents…
Peu à peu, le flux ralentit aux abords du campus Sankara.
La rue qui traverse cette cité universitaire est pleine de monde.
L’union fait la force : on attend là de pied ferme ces perturbateurs venus les déloger des salles d’examen.
La détermination et l’agressivité font place à la détente et à l’humour. Pourquoi on a fui même ?
On rit, on plaisante, on se moque de la peur de l’autre.
Ceux qui voulaient traverser la brousse environnant la cité universitaire pour aller à Wari-bana se ravisent.
Les plus courageux rebroussent chemin à la recherche d’objets perdus.

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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 13:45

— Vraiment ces étrangers, c’est pas la peine ! On les accueille, on les naturalise, on les nomme, on les épouse et dès que ça bouge, hop ! Je te rapatrie un milliard de francs dans mon pays d’origine. Intégration régionale, panafricanisme, je t’en foutrais !

— Privatisations ! Privatisations ! Ça devient une chanson pour ne pas dire néocolonialisme économique.Vous trouvez normal qu’après trente ans d’indépendance nous ne gardions rien à nous ? L’eau ? Privatisée ! L’électricité ? Privatisée ! Le téléphone ? Privatisé ! La poste ? Privatisée !

— Soyons sérieux : tu sais bien que ces sociétés d’État étaient sous constante perfusion financière. Moi, je crois que la privatisation arrangera les choses : meilleurs services, plus grands bénéfices, tout le monde y gagnera : toi, moi, l’État et les investisseurs privés.

— Mais alors, pendant qu’on y est, pourquoi ne pas privatiser la fonction publique ?

Eau-de-vie,
De longue vie,
Tu redonnes la vie
Aux morts !

Charles rit de ce refrain d’ivrogne mais on pourrait croire qu’il est lui-même déjà assez ivre pour rire sans raison. Il s’applique à remplir son verre, vidant sa troisième bouteille.

— Jo, des militaires ont défilé cet après-midi du côté de la présidence. Il fallait être là, voir ça de ses propres yeux pour y croire. Ces voleurs et vandales défilaient à leur tour pour revendiquer je ne sais trop quoi. Un parent près de moi a lancé, ironique : “Tiens, on ne savait pas qu’eux aussi avaient des problèmes !”
Et la meilleure, c’est que Mitterrand aurait refusé de laisser les militaires français rétablir l’ordre !

— Comment un pauvre petit pays comme le Bénin arrive à organiser une conférence nationale souveraine alors que nous on ne pourrait pas le faire, sous prétexte de divisions ethniques et faute d’argent ?

— Conférence nationale ? En tout cas, moi, je suis pas fan de ça ! D’ailleurs, on aura des élections en fin d’année, alors à quoi bon ?

— Tu crois que de simples élections permettront de réconcilier un peuple divisé, appauvri par trente ans de népotisme, d’affairisme et de tribalisme ? Moi, je suis d’accord avec l’opposition qui exige la tenue de cette conférence ici, comme au Bénin et au Gabon. Et tant pis pour le pouvoir s’il fait la sourde oreille. C’est parce que l’agouti ne connaît pas le chien qu’il s’amuse avec lui.

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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 13:41

Qu’est-ce qu’il a fait à ces étudiants pour qu’ils demandent son départ ?
Il se penche pour reprendre le tract qu’il a laissé tomber.
Départ du recteur… Départ du directeur du centre national des œuvres universitaires… Départ du ministre de tutelle.
C’est lui, le ministre de tutelle, ministre de l’Enseignement supérieur, chargé de la recherche scientifique, c’est bien lui, Bernard Cauphy. Mais qu’est-ce qu’il n’a pas fait ? 
Est-ce sa faute si le CNOU a dix milliards d’arriérés malgré les subventions de l’État ?
À qui la faute si, malgré les mille neuf cents francs de subvention pour le repas au restaurant universitaire, l’étudiant mange mal ? 
Que le directeur du CNOU parte, quoi de plus normal ? 
Que le recteur s’en aille, à la limite. Mais lui ? 
Papa avait raison : c’est parce que l’agouti ne connaît pas le chien qu’il s’amuse avec lui.

— Alphonse, amène-moi ces éléments subversifs ici,dans mon bureau. Ils vont voir de quel bois je me chauffe !

— Bien, patron !

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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 13:36

— Dehors ! Sortez !
Ces cris ponctués de jets de pierres déclenchent la panique. Les deux portes latérales, celles de l’avant et les fenêtres sont prises d’assaut par les jeunes, affolés. 
Les étudiants de sciences économiques, moins nombreux, sont les premiers à vider leurs salles d’examen. Les Chinois (surnom des étudiants en droit) mettent plus de temps à quitter leurs amphithéâtres. 
Comme un feu de brousse en saison sèche, la peur vide les amphis d’anglais, d’histoire géographie, de lettres modernes, de psychologie, de sociologie, de philosophie… 
Dans une lente précipitation, tous fuient droit devant eux, c’est-à-dire vers le campus Sankara. Qui pour s’y terrer, qui pour le traverser, atteindre le quartier Wari-bana et y prendre un taxi ou un bus qui l’emmènerait loin de cet enfer. 
Des étudiants fuyant d’autres étudiants !  Il faut le voir pour y croire. 
On ne sait pas pourquoi on fuit, mais on sait seulement qu’il faut fuir. 
Les filles, qui ont ôté leurs chaussures à talons pour mieux courir, les abandonnent derrière elles. D’autres laissent plus que des chaussures : des cartes d’étudiant, des cartes d’identité, des porte-documents… 
Peu à peu, le flux ralentit aux abords du campus Sankara. 
La rue qui traverse cette cité universitaire est pleine de monde. 
L’union fait la force : on attend là de pied ferme ces perturbateurs venus les déloger des salles d’examen.  La détermination et l’agressivité font place à la détente et à l’humour.
Pourquoi on a fui même ? 
On rit, on plaisante, on se moque de la peur de l’autre.  Ceux qui voulaient traverser la brousse environnant la cité universitaire pour aller à Wari-bana se ravisent. 
Les plus courageux rebroussent chemin à la recherche d’objets perdus.

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6 décembre 2016 2 06 /12 /décembre /2016 13:36

La porte s’ouvre sous la poussée d’une force maléfique. 
Une femme supplie : Je t’en prie, Prosper, ce n’est pas de sa faute si… 
Une voix rauque l’interrompt : Laisse-moi faire ! 
Un homme petit et laid, dont le ventre proéminent occupe tout l’espace de la porte entrebâillée, aboie : C’est bien ici la chambre de Coulibaly Mamadou ? 
Le nommé se lève sans répondre. 
L’étranger et lui se jaugent du regard dans un silence menaçant.
L’homme est d’âge mûr. La quarantaine. 
Une calvitie avance sur un front bombé, dégarni et luisant. 
Des gouttes de sueur perlent sur son nez épaté. 
Il a chaud dans son costume de fonctionnaire. 
Le jeune homme, grand et mince, a les cheveux coupés court, le menton imberbe et lisse. 
Il est sans doute du nord. Il porte une tunique musulmane ample.
Les yeux de tous les étudiants se sont détournés du téléviseur pour se porter tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre des protagonistes.
L’aspect du jeune homme a douloureusement assuré l’inconnu qu’il a bien en face de lui la personne recherchée. 
Il met la main droite à l’intérieur de sa veste, au côté gauche. 
Un objet noir apparaît dans sa main. 
Dans le champ de vision de l’adolescent, cet objet fait maintenant partie d’un arrière-plan flou. 
Son attention est fixée sur l’espace situé entre le corps ennemi et la porte entrouverte…
Oui, il peut passer… 
À condition d’enjamber auparavant les corps de ses compagnons...

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