Si nous, les moins jeunes, savions que nous empruntions cette terre à ceux qui viendront après nous, ainsi que nous l’enseigne un vieil adage africain, nous ne la prendrions pas en otage comme nous le faisons aujourd’hui. Nous ne l’exploiterions pas à outrance ni ne laisserions les jeunes générations grandir dans l’ignorance de ses exigences et des lois qui régissent son équilibre. Nous mettrions un soin particulier à la protéger et à la promouvoir, à en préserver les écosystèmes et la biodiversité. Nous remplacerions chaque arbre que nous coupons, recyclerions chaque déchet que nous produisons, et surveillerions de près notre empreinte écologique pour la réguler afin que notre mode de vie ne soit pas désastreux pour l’environnement.
Si nous savions que la jeunesse est plurielle, qu’elle est urbaine et rurale, scolarisée et déscolarisée, lettrée et illettrée, en chômage déguisé et en chômage complet, qu’elle a des frustrations autant qu’elle a des attentes, qu’elle nourrit des ambitions autant qu’elle a, à son actif, des réalisations dignes d’intérêt, qu’elle sait être indomptable comme des lions mais aussi, qu’elle peut être moutonnière, nous ne tomberions pas dans le péché de l’homogénéisation lorsque nous parlons d’elle. Nous serions plus circonspects et moins carrés, plus nuancés et moins arbitraires dans les politiques que nous concoctons pour elle et parfois sans elle.
Si nous savions que l’école est la clé de l’avenir, qu’elle doit préparer à résoudre les problèmes de la vie et non s’y résigner, qu’elle doit apprendre la créativité et non être un facteur d’asservissement et d ‘habile conditionnement, nous mettrions un terme au psittacisme (1) et à la promotion des savoirs morts. Nous enseignerions aux jeunes de relier toute connaissance apprise aux situations et questionner les certitudes les plus ancrées. Nous leur enseignerions leurs langues maternelles pour leur permettre d’exprimer et d’assurer leur identité culturelle profonde. Nous ne les laisserions pas prendre de vertigineuses libertés avec les normes gouvernementales. Pour cela, nous ferions de l’éducation relative à l’environnement une priorité en mettant tout en œuvre pour qu’elle soit le vecteur d’acquisition de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes orientées vers la sauvegarde de la création, de toute la création et des liens vitaux qui l’animent, la pérennisent.
Si nous savions que le prix de la violence, c’est la mort, que la violence n’est pas une solution, même conjoncturelle, mais un problème structurel, nous ne répondrions pas à la violence des jeunes par la violence, mais par la non-violence. Pour le philosophe français Jean-Marie Muller, « Jamais, nulle part, la violence n’est la solution.(…) Toujours, partout, la violence est une défaite, un drame, un malheur, une tragédie ». Comprendre et intégrer cette philosophie revient à « construire les ponts et détruire les murs » entre les jeunes et nous. Les ponts ouvrent des passages là où les murs forment des blocages. Face aux multiples contestations des jeunes, nous avons très souvent dressé et entretenu entre eux et nous des murs de haine sournoise au lieu de bâtir des ponts par-dessus nos malentendus pour promouvoir en toute lucidité le dialogue inter générationnel. Nous avons parfois préféré à la chaleur des débats le fracas des combats, reléguant aux oubliettes les vertus de la négociation et le devoir que nous avons de protéger les droits des plus jeunes.
Si nous savions que les zones rurales de nos pays ont des bras jeunes pour se développer, nous ne les laisserions pas se vider. Nous y construirions des structures de loisir et des infrastructures de développement. Nous y aménagerions des conditions de sécurité. Nous y engagerions un travail de salubrité matérielle et morale, de désenclavement physique te psychologique. Nous ferions voler en éclats le mythe des villes dans leurs imaginaires et découragerions par le même canal l’exode rural si dramatique pour nos pays aujourd’hui.
Si nous savions que les jeunes ont besoin d’écoute, qu’ils cherchent plus à se confier à une oreille attentive qu’entrer dans une logique d’affrontement avec les ainés, nous aurions à leur égard un comportement, nous leur enseignerions la tolérance et nous aurions une chance de faire passer notre message dans la mesure où l’on enseigne plus ce que l’on est que ce que l’on sait ou dit. La force de l’exemple aidant, et la leçon s’imposant de génération en génération, le monde n’en deviendrait que plus humain et plus juste. Si vieillesse savait…
Pasteur Jean-Blaise KENMOGNE, Ecovox, Yaoundé, novembre 2010
Psittacisme : répétition mécanique de phrase
I-Questions de compréhension et d’analyse (10 points)
1- Relevez et analysez trois indices de nature différente qui révèlent l’implication du locuteur. (3pts)
2- Repérez et expliquez le mode de raisonnement contenu dans le deuxième paragraphe.
(2 pts)
3- Du troisième au cinquième paragraphe, reformulez la préoccupation principale du locuteur dans chacun de ces passages. (3pts)
4- Expliquez, selon le texte, les mots et expressions suivants : « moutonnière » (L.14) ; « savoirs morts » (L.21). (2 pts)
II-Travail d’écriture (10 points)
Pensez-vous, comme le locuteur, que de nos jours, l’éducation relative à l’environnement soit une priorité ?